Climat
La forêt amazonienne, source ou puits de carbone ?
Cette semaine, la revue Science publie des résultats qui vont encore alimenter les débats scientifiques sur les puits de carbone. Ici, les recherches ont montré que la sécheresse menace les capacités de stockage du carbone de la forêt amazonienne, au point dimaginer que le « poumon de la terre » puisse dégager plus de carbone quil nen stocke.
Ces observations sont le fruit dun travail mené par une équipe internationale de 68 chercheurs, dont des membres français de lINRA, du CIRAD (1) et de lUniversité Paul Sabatier de Toulouse, au sein du réseau RAINFOR (Amazon Forest Inventory Network). Létude concerne plus de 100 sites forestiers sur une zone de 600 millions dhectares, dans plusieurs pays amazoniens. Elle sappuie sur un jeu de mesures effectuées sur 10 000 arbres durant 30 années de suivi. Dès lors, les scientifiques ont pu évaluer limpact de la sécheresse de 2005 et envisager les réponses possibles du massif forestier au changement climatique.
Le suivi a montré que la sécheresse de 2005 avait causé une importante mortalité des arbres et que, durant cet épisode, seulement 51 % des parcelles forestières à létude continuaient à stocker du carbone, à hauteur de 0,5 tonne/ha/an. Les autres parcelles, elles, dégageaient du CO2, à raison de 6 tonnes de carbone par ha et par an. Ainsi, selon les chercheurs, leffet de la sécheresse sur lAmazonie pourrait être équivalent à celui du défrichement, que le GIEC estime, pour sa part, à léchelle planétaire à des émissions de lordre de 3 milliards de tonnes de carbone par an.
Face au changement climatique, les experts craignent une recrudescence des épisodes de stress hydriques en Amazonie, et avertissent qualors la forêt pourrait contribuer à laugmentation des niveaux de dioxyde de carbone dans latmosphère. En effet, une forêt peut séquestrer du carbone autant quen émettre et le jeu est subtil à lintérieur des cycles de la matière. Les arbres captent du carbone par la photosynthèse et l’incorporent lors de leur croissance à la matière organique. Mais ils rejettent aussi du CO2, directement par la respiration et, indirectement, à leur mort et avec les débris, feuilles et branches. La matière organique, une fois au sol, en se décomposant sous laction des micro-organismes renverra le carbone dans latmosphère en quelques dizaines dannées.
Ainsi, daprès Oliver Phillips, un des auteurs de létude parue cette semaine dans Science, « pendant des années, la région amazonienne a aidé à ralentir le réchauffement climatique. Si ce puits de carbone est amoindri, voire fonctionne à lenvers, le niveau de dioxyde de carbone dans latmosphère augmentera encore plus». Cela dit, même si ces dernières observations soulèvent de vraies inquiétudes, mesurer le cycle du carbone à léchelle planétaire nest pas une mince affaire pour les scientifiques et il faut bien reconnaître que les phénomènes naturels de séquestration du carbone sont encore assez mal connus. Entre locéan et les forêts, les travaux de recherche saccumulent sur les puits de carbone et se contredisent parfois. Le mois dernier par exemple, paraissait une étude dans la revue Nature qui montrait que, entre 1968 et 2007, les capacités de stockage de la forêt tropicale en Afrique avaient augmenté pour atteindre 0,63 tonne par hectare et par an, une progression qui, selon les auteurs de létude, était équivalente à lAmazonie où les arbres semblaient, cette fois, avoir gagné en biomasse durant ces 20 dernières années. Plusieurs hypothèses furent émises, et notamment la contribution du CO2 présent en plus grande quantité dans latmosphère, ou encore un meilleur ensoleillement qui stimule la croissance des végétaux pendant les périodes sèches. Evidemment, la question est complexe et les forêts tropicales du monde ne doivent pas être vues comme une surface homogène. Rien que pour lAmazonie, les chiffres avancés dans la littérature sur ses capacités de stockage varie de 0,5 jusquà 7 tonnes/ha/an.
Puits ou source, les scientifiques semblent encore avoir un peu de travail avant dy voir clair sur la contribution des forêts, en espérant que lavancée des fronts de déforestation leur en laisse le temps.
1- INRA : Institut national de recherche agronomique ; CIRAD : Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement
ACTUALITE
Le drapeau du réchauffement climatique
A chaque vague de froid hivernal, les climatosceptiques sont de sortie : le pare-brise de leur voiture est recouvert de givre, ce qui serait donc la preuve irréfutable que le réchauffement climatique est une invention destinée à servir les intérêts d’on ne sait quelle organisation mondiale secrète. Bref, « on » nous ment.
Evidemment, ces personnes font en réalité une confusion entre la météo et le climat. La météo s’apprécie à un instant t, dans un endroit donné. Il y a tout juste un mois par exemple, la Corse connaissait un épisode neigeux surprenant. Un phénomène étonnant, certes, mais qui ne traduit pas pour autant un refroidissement de la planète. Ici, nous parlons de météo. En revanche, lorsque durant tout le XXe siècle, les relevés de température partout sur la planète augmentent de 0,6°C, on peut parler d’une tendance au réchauffement climatique global, malgré des épisodes ponctuels météorologiques comme celui vécu par les Corses il y a quelques semaines.
Comment illustrer ce phénomène simplement, le plus simplement possible, pour pouvoir facilement l’expliquer aux plus sceptiques d’entre nous ? Ed Hawkins, climatologue et professeur de science du climat à l’Université de Reading au Royaume-Uni, a imaginé une méthode de modélisation ludique du changement global : la création, pour chaque pays, d’un drapeau de son réchauffement.
Le réchauffement mondial illustré
Le chercheur s’est appuyé sur une base de données mondiale qui compile tous les relevés de température effectués partout sur la Terre depuis 1901. Lors du XXe siècle, il a calculé la moyenne des températures pour chaque région du globe puis, pour chaque année (et en fonction de la moyenne précédemment établie), il a attribué une couleur : du bleu très clair (conforme à la moyenne du XXe siècle) au rouge très foncé (qui traduit une hausse marquée par rapport à cette même moyenne). Chaque année est alors représentée par une bande, bandes qui sont accolées les unes aux autres pour créer le « drapeau du réchauffement » de chaque zone du globe, qui sont tous consultables sur https://showyourstripes.info/
Le drapeau du réchauffement en France
Le résultat est accablant. Quel que soit le pays ou la région du monde que l’on sélectionne, le résultat est similaire : bleuté à gauche et rouge vif à droite, traduisant une sévère agitation de tous les thermomètres du monde, et prouvant par-là même le réchauffement climatique.
Plus simple, c’est impossible : Donald T., si tu nous lis…
ACTUALITE
Le taux de CO2 intègre la météo britannique
Cela n’a l’air de rien, quelques centimètres carré de rien du tout dans un journal qui compte des dizaines de pages, mais cela s’apparente pourtant à une révolution : depuis une dizaine de jours, le Guardian, l’un des quotidiens britanniques les plus réputés, propose à ses lecteurs la concentration en CO2 dans notre atmosphère au sein de son encart « météo ». Mais pas la concentration du Grand Londres non, la concentration mondiale telle qu’elle est mesurée quotidiennement à Hawaii, à l’observatoire de Mauna Loa. Là-bas, au coeur du Pacifique, le taux de CO2 y est mesuré depuis 1958. A l’époque, il s’établissait à 315 parties par million (ppm), encore loin du seuil considéré comme « gérable à long terme » de 350 ppm.
Seulement voilà, depuis, l’activité humaine n’a cessé de croître, de même que notre recours aux énergies fossiles, avec un résultat largement prévisible : le taux de CO2 atmosphérique est désormais de 412 ppm, largement au-dessus des 350 ppm « gérables », supérieur à 2013 (400 ppm), et à mille lieues des 280 ppm estimées à l’ère pré-industrielle. Dans des paroles rapportées par Le Monde, la rédactrice en chef du Guardian justifie ce choix éditorial inédit :
« Les niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ont augmenté de façon si spectaculaire. Inclure une mesure de cette augmentation dans notre bulletin météorologique quotidien montre ce que l’activité humaine fait à notre climat. Il faut rappeler aux gens que la crise climatique n’est plus un problème d’avenir. Nous devons nous y attaquer maintenant, et chaque jour compte. »
En présentant chaque jour à ses millions de lecteurs une donnée scientifique incontestablement liée au changement climatique, The Gardian entend ne pas perdre de vue l’ambitieux objectif mondial de réduction de moitié des émissions de CO2 d’ici 2030, pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Ne soyons pas pessimistes bien sûr, mais il faut bien reconnaître que cela semble bien mal parti.
Au fait, à quand un journal français qui reprendrait la démarche du Guardian ?
ACTUALITE
Game of Thrones : Réchauffement climatique is coming
Cette nuit, Game of Thrones, la série phénomène, a repris après deux ans d’absence pour présenter son ultime saison. Sept épisodes que plus d’un milliard de personnes (si l’on en croit les chiffres qui concernent les visionnaires illégaux sur internet à chaque épisode) vont s’empresser de dévorer et de commenter pour enfin obtenir une réponse à cette question qui les taraude depuis 2011 et la diffusion du premier épisode de la série : Qui finira donc par prendre place sur le Trône de fer pour gouverner les Sept royaumes ?
Sans attendre la diffusion, des dizaines de théories ont été développées par des fans plus ou moins sérieux et, parmi celles-ci, une semble avoir retenu l’attention du Gouvernement. Cette théorie voudrait que la série soit en fait une métaphore de notre réalité et de notre attitude vis à vis des dangers environnementaux qui pèsent sur nous, au premier rang desquels le réchauffement climatique. « Winter is coming » (ou « l’Hiver arrive »), la plus célèbre réplique de la série, qui annonce l’arrivée imminente d’une intense période glaciaire accompagnée d’innombrables malheurs pour nos personnages préférés, préviendrait en fait contre le réchauffement climatique. Et la lutte de pouvoir des maisons Stark, Targaryen, Lannister pour accéder au mythique Trône de fer plutôt que de se préoccuper de la menace approchant, les Marcheurs Blancs, serait une parabole de la propension de nos dirigeants à ne pas voir plus loin que le bout de leur nez et à favoriser des intérêts particuliers paraissant bien ridicules face aux enjeux globaux qui s’annoncent.
Brune Poirson, ministre de la Transition écologique et solidaire, et ses équipes semblent avoir bien intégré cette théorie, au point que la ministre propose depuis hier, veille de reprise de la série, et alors que l’excitation médiatique est au summum, une vidéo inspirée de Game of Thrones, et mettant en garde contre le réchauffement climatique. Sur des images de la série, la responsable politique pose sa voix : « Une grande menace pèse sur l’humanité. Certains en doutent, on peut le regretter. Même si les hivers peuvent paraître un peu plus rigoureux, un peu plus froids à certains endroits, il y en a d’autres où ce n’est pas le cas. Nous devons nous battre, nous battre pour endiguer cette menace qui monte et nous unir tous pour lutter contre le vrai mal, le seul qui doit unir l’humanité : le réchauffement climatique ». Et en guise de conclusion, l’accroche « Le réchauffement climatique is coming », écrit dans la police propre au show américain.
Succès garanti sur les réseaux sociaux. Et dans les comportements quotidiens futurs ?
Photo : Compte Twitter de Brune Poirson